Introduction
Le concept de haut potentiel intellectuel (HPI) et sa forme plus élevée, le très haut potentiel intellectuel (THPI), désignent des capacités cognitives supérieures à la moyenne. Le HPI est généralement caractérisé par un quotient intellectuel (QI) de 130 ou plus, tandis que le THPI se situe à des niveaux encore plus élevés.1 Parallèlement, le terme "traits autistiques" fait référence à un ensemble de caractéristiques comportementales et cognitives que l'on observe fréquemment chez les personnes autistes, telles que des particularités dans les interactions sociales, la communication, des intérêts spécifiques intenses et des sensibilités sensorielles.3 Il est crucial de noter que la présence de ces traits chez un individu ne signifie pas nécessairement un diagnostic de trouble du spectre de l'autisme (TSA).
La distinction entre le haut potentiel intellectuel associé à des traits autistiques et l'autisme diagnostiqué est un domaine de recherche complexe. En effet, certaines personnes ayant un HPI ou un THPI peuvent présenter des caractéristiques qui chevauchent celles observées dans l'autisme, sans pour autant répondre à tous les critères diagnostiques du TSA.2 Cette coexistence de capacités intellectuelles élevées et de traits autistiques soulève des questions importantes concernant l'identification, la compréhension et le soutien de ces profils spécifiques. L'objectif de ce rapport est d'analyser, sur la base de travaux scientifiques rigoureux, les caractéristiques distinctes des profils "HPI avec traits autistiques" et "THPI avec traits autistiques", en excluant les études portant sur des individus ayant un diagnostic de TSA associé. Il s'agira d'examiner les études existantes, d'identifier les points communs et les différences entre ces deux profils, et de mettre en lumière les défis méthodologiques et les perspectives des experts dans ce domaine.
Il est important de souligner que la définition même de "don" ou de "haut potentiel" n'est pas universellement standardisée, ce qui complexifie l'étude de son intersection avec les traits autistiques.8 Différentes études peuvent utiliser des seuils de QI variables ou des critères différents pour définir le haut potentiel, entraînant une hétérogénéité dans les populations étudiées. Néanmoins, un constat émerge de la recherche : il existe un chevauchement significatif dans les caractéristiques comportementales entre le haut potentiel et l'autisme, notamment en ce qui concerne les intérêts intenses, les difficultés d'interaction sociale, les sensibilités sensorielles et les problèmes de fonctions exécutives.1 La notion de "double exceptionnalité" (2e) reconnaît la coexistence du haut potentiel et d'un handicap ou d'une autre forme de neurodivergence, fournissant un cadre pour comprendre les individus qui présentent à la fois des capacités intellectuelles élevées et d'autres particularités neurodéveloppementales.1 Bien que ce rapport se concentre sur les personnes sans diagnostic de TSA, le concept de 2e souligne que le haut potentiel et la neurodivergence ne sont pas mutuellement exclusifs.
Profil "HPI avec traits autistiques"
Le haut potentiel intellectuel (HPI) est généralement défini par un score de QI de 130 ou plus aux échelles de Wechsler, ce qui situe ces individus au-dessus du 95e percentile de la population.1 Cependant, l'identification du HPI ne repose pas uniquement sur ce seuil quantitatif. Une évaluation complète prend en compte d'autres aspects des capacités cognitives, ainsi que des caractéristiques telles que la créativité et la réussite dans des domaines spécifiques.2 Les personnes HPI présentent souvent un développement asynchrone, où leurs capacités intellectuelles peuvent être très avancées tandis que leur développement social et émotionnel suit un rythme différent.2 Cette hétérogénéité peut se manifester par un décalage entre les aptitudes intellectuelles et la maturité socio-émotionnelle, entraînant des difficultés sociales qui peuvent parfois être confondues avec des traits autistiques.
Plusieurs études scientifiques se sont penchées sur la présence de traits autistiques chez des individus HPI sans diagnostic de TSA. Ces recherches indiquent qu'un sous-ensemble de personnes HPI présente un éventail de caractéristiques autistiques, notamment des difficultés dans les interactions sociales, des particularités dans la communication, des sensibilités sensorielles et des défis en matière de régulation émotionnelle.1 Ces traits, bien que présents, ne sont pas suffisamment prononcés ou ne répondent pas à l'ensemble des critères nécessaires pour un diagnostic de TSA. Les études suggèrent également que les enfants HPI consultant pour des problèmes socio-émotionnels ou comportementaux ont tendance à présenter des profils psychométriques hétérogènes au WISC-V, caractérisés par un écart significatif entre l'Indice de Compréhension Verbale (ICV) et l'Indice de Raisonnement Perceptif (IRP), avec un ICV généralement plus élevé.1 De plus, ces enfants obtiennent des scores plus faibles à l'échelle de Vineland pour la socialisation et les compétences de la vie quotidienne par rapport à un groupe témoin d'enfants HPI "sains", suggérant que des problèmes d'interaction sociale ou des difficultés d'adaptation générale peuvent être associés au HPI.1
Une autre étude menée sur des enfants HPI orientés cliniquement a révélé des scores significativement plus élevés à toutes les sous-échelles du Child Behavior Checklist (CBCL), y compris "Anxieux/Dépressif" et "Problèmes Sociaux".1 Les auteurs ont également noté que les enfants HPI présentant un "Écart Verbal-Performance Significatif" (EVPS) obtenaient des scores plus élevés à l'échelle des "Problèmes Extériorisés", indiquant un lien entre un QI hétérogène et un risque accru de problèmes comportementaux et émotionnels. Ils ont suggéré que l'EVPS chez les enfants HPI partage des caractéristiques avec le syndrome d'Asperger, telles que la précocité verbale, l'hyperlexie, des intérêts absorbants avec un partage social limité, le retrait social, l'anxiété, un perfectionnisme excessif, une hypersensibilité perceptive et une maladresse motrice.1 Des recherches ont également mis en évidence des similitudes entre les profils HPI et les profils autistiques dans les domaines neurocognitif, développemental et neurobiologique, soulignant la nécessité d'études plus approfondies.10 De plus, il a été observé que les individus intellectuellement doués présentent souvent un profil cognitif non homogène, des difficultés d'adaptation, des symptômes autistiques sous le seuil clinique et un perfectionnisme accru.11
Les caractéristiques communes identifiées dans ces études pour le profil "HPI avec traits autistiques" comprennent notamment des difficultés d'interaction sociale, se manifestant par des difficultés à se connecter avec les pairs, à comprendre les signaux sociaux et à établir des relations réciproques.1 Des intérêts spécifiques intenses sont également fréquemment observés, où l'enfant ou l'adulte peut se passionner pour un sujet particulier au point de l'exclure des autres.1 La sensibilité sensorielle est une autre caractéristique récurrente, avec des réactions inhabituelles aux stimuli sensoriels tels que les sons, les lumières, les textures ou les odeurs.1 Des particularités dans la communication peuvent également être présentes, comme un usage pédant du langage ou une interprétation très littérale des expressions.1 Enfin, des défis en matière de régulation émotionnelle, une tendance au retrait dans l'abstraction (imaginaire ou intellectuelle), des déficits d'attention et une maladresse générale ou des troubles praxiques sont parfois signalés.1 Ces observations sont étayées par les travaux de chercheurs tels que Liratni et Pry (2011), Guénolé et al. (2013a), Neihart (2000), Little (2002), Lovecky (2003) et Assouline et al. (2009).1 Asperger (1944) et Kanner (1943) avaient déjà noté l'occurrence fréquente d'individus avec une activité intellectuelle ou un travail intellectuel dans les familles de leurs patients autistes.1
Profil "THPI avec traits autistiques"
Le très haut potentiel intellectuel (THPI) se caractérise par des seuils de QI encore plus élevés que le HPI, souvent considérés comme supérieurs à 145.2 À ce niveau d'intelligence, les individus peuvent présenter des caractéristiques cognitives spécifiques, telles qu'une capacité d'abstraction et de raisonnement exceptionnellement développée, une rapidité de traitement de l'information hors norme et une curiosité intellectuelle insatiable.14
Les études scientifiques se concentrant spécifiquement sur les individus THPI présentant des traits autistiques sans diagnostic de TSA sont moins nombreuses que celles portant sur le HPI. Cependant, certaines recherches explorent les liens potentiels entre l'intelligence extrêmement élevée et les caractéristiques autistiques. Il est proposé que l'étiologie de l'autisme pourrait impliquer des composantes de l'intelligence améliorées mais déséquilibrées. Une autre recherche met en évidence un lien entre les différences individuelles dans les traits autistiques et une émulation réduite des objectifs dans un modèle computationnel d'apprentissage par observation, suggérant des difficultés dans l'inférence des objectifs sociaux même en l'absence de diagnostic.16 De plus, il a été rapporté que les personnes ayant des traits autistiques ont tendance à privilégier l'imitation plutôt que l'inférence des motifs dans l'apprentissage par observation, ce qui pourrait expliquer les défis rencontrés dans les interactions sociales.17 Une étude abstraite indique que les individus ayant des niveaux élevés de traits autistiques présentent des troubles de la théorie de l'esprit et de l'empathie cognitives, mais pas affectives, et que les troubles de l'empathie pourraient être liés à l'alexithymie et aux traits dépressifs.18
Les caractéristiques spécifiques identifiées pour le profil THPI avec traits autistiques mettent en évidence une distinction encore plus subtile entre les traits autistiques et les conséquences d'une différence cognitive extrême.12 L'intensité de la concentration et les capacités de reconnaissance de motifs, souvent associées à la fois au THPI et à l'autisme, pourraient être amplifiées chez les individus présentant cette double particularité, conduisant potentiellement à une expertise exceptionnelle dans des domaines de niche, parallèlement à des difficultés de communication sociale.13 Contrairement au profil HPI où un schéma ICV > IRP est parfois observé, il n'est pas clair si ce modèle spécifique est systématiquement présent chez les individus THPI avec traits autistiques.1 La recherche à ce niveau semble se concentrer davantage sur les mécanismes cognitifs et potentiellement génétiques sous-jacents.15 Certains experts suggèrent que le fonctionnement cognitif exceptionnellement différent des personnes THPI peut en soi entraîner des expériences sociales qui ressemblent à celles des personnes autistes, même si les mécanismes neurologiques sous-jacents ne sont pas les mêmes.12 Les travaux de recherche dans ce domaine s'appuient sur un éventail plus large de disciplines scientifiques, y compris la génétique et les neurosciences, pour explorer ces liens potentiels.15
Méthodologies de recherche et défis diagnostiques
La recherche sur le HPI et le THPI avec traits autistiques utilise diverses méthodologies pour évaluer et comprendre ces profils. Les tests de QI standardisés, tels que les échelles de Wechsler, sont essentiels pour identifier le haut potentiel intellectuel.8 Des questionnaires auto-rapportés ou hétéro-rapportés, comme la Social Responsiveness Scale (SRS) 11 et l'Autism-Spectrum Quotient (AQ) 21, sont couramment utilisés pour évaluer la présence et l'intensité des traits autistiques. Des outils d'observation comportementale, tels que l'Autism Diagnostic Observation Schedule (ADOS), peuvent également être employés, bien que leur utilisation dans le contexte du HPI sans diagnostic de TSA nécessite une interprétation prudente.11 Les évaluations neuropsychologiques permettent d'examiner en détail les profils cognitifs, y compris les fonctions exécutives, l'attention et la mémoire.11
Un défi majeur dans ce domaine est la distinction entre les traits autistiques et les caractéristiques qui peuvent découler du haut potentiel intellectuel lui-même.2 Le chevauchement significatif des comportements observés rend le diagnostic différentiel complexe. Par exemple, une concentration intense sur des intérêts spécifiques peut être une caractéristique à la fois du haut potentiel et des traits autistiques.8 De même, des difficultés dans les interactions sociales peuvent être présentes chez les personnes HPI en raison de décalages développementaux ou d'un manque de pairs intellectuels, sans nécessairement indiquer des traits autistiques sous-jacents.8
Le concept de "masquage" ou de "camouflage" des traits autistiques ajoute une autre couche de complexité au processus diagnostique.3 Les individus ayant un haut potentiel intellectuel peuvent être particulièrement aptes à apprendre et à imiter les comportements sociaux neurotypiques, dissimulant ainsi leurs difficultés intrinsèques.29 Cet effort constant de masquage peut entraîner un stress important et un épuisement.6 La fiabilité des questionnaires auto-rapportés, tels que l'AQ, peut également être limitée, car les individus peuvent ne pas avoir une conscience précise de leurs propres traits ou peuvent être réticents à les signaler.21 Par conséquent, une évaluation rigoureuse nécessite une approche multidimensionnelle, intégrant des informations provenant de diverses sources (auto-rapports, observations cliniques, témoignages de proches) et une expertise dans la distinction entre les manifestations du haut potentiel et les traits autistiques.
Points de vue d'experts et institutions de recherche
Le domaine du HPI/THPI et des traits autistiques suscite l'intérêt de nombreux experts et institutions de recherche. Des chercheurs comme Simon Baron-Cohen ont proposé des théories, telle que la théorie du "cerveau masculin extrême" pour expliquer certaines des caractéristiques observées dans l'autisme.33 D'autres experts, comme le Dr. Barbara Klein, soulignent que les difficultés sociales des enfants surdoués sont souvent à tort étiquetées comme des comportements du spectre autistique et découlent davantage des différences de capacités intellectuelles avec leurs pairs.27 Il est de plus en plus reconnu que les personnes autistes elles-mêmes sont des sources d'expertise précieuses sur l'autisme, offrant des perspectives basées sur leur expérience vécue.34
Plusieurs institutions jouent un rôle important dans la recherche et le soutien aux individus HPI et à double exceptionnalité. Le Davidson Institute 2 et le Belin-Blank International Center for Gifted Education and Talent Development de l'Université de l'Iowa 2 sont des exemples d'organismes qui se consacrent à l'étude et à l'accompagnement des personnes surdouées, y compris celles présentant des défis supplémentaires. Le CHOP Research Institute mène également des recherches dans le domaine de l'éducation des enfants surdoués ayant des troubles du développement comme le TSA.37 Ces institutions contribuent à une meilleure compréhension des profils mixtes HPI/THPI et traits autistiques et à l'élaboration de stratégies d'intervention adaptées.
Conclusion
L'analyse des travaux scientifiques met en lumière la complexité des profils HPI et THPI qui présentent des traits autistiques sans pour autant avoir un diagnostic de TSA. Le profil "HPI avec traits autistiques" se caractérise par la coexistence de capacités intellectuelles élevées (QI ≥ 130) et de caractéristiques autistiques subcliniques, notamment des difficultés d'interaction sociale, des intérêts spécifiques intenses, des sensibilités sensorielles et des particularités dans la communication. Un profil psychométrique hétérogène, avec un ICV souvent supérieur à l'IRP, est parfois observé chez ces individus. Les recherches soulignent le chevauchement des traits avec ceux de l'autisme, mais à un niveau qui ne satisfait pas les critères diagnostiques complets du TSA.
Le profil "THPI avec traits autistiques", concernant des individus avec des seuils de QI encore plus élevés (potentiellement ≥ 140 ou plus), présente des similitudes avec le profil HPI en termes de traits autistiques, mais la distinction entre ces traits et les conséquences directes d'une intelligence extrêmement élevée devient plus délicate. La recherche à ce niveau explore davantage les mécanismes cognitifs et génétiques sous-jacents à cette cooccurrence. Il semble que l'intensité de la pensée et la perspective unique des personnes THPI puissent se manifester par des comportements sociaux atypiques qui ne sont pas nécessairement enracinés dans les mêmes mécanismes neurologiques que l'autisme.
Les défis méthodologiques pour évaluer et distinguer ces profils sont considérables, principalement en raison du chevauchement des traits entre le haut potentiel et l'autisme, ainsi que du phénomène de masquage, où les individus peuvent dissimuler leurs caractéristiques autistiques. Une évaluation rigoureuse nécessite une approche multidimensionnelle et une expertise dans la compréhension des deux domaines. Les points de vue des experts et les recherches menées par des institutions spécialisées contribuent à une meilleure compréhension de ces profils complexes et à l'élaboration de stratégies de soutien adaptées à leurs besoins spécifiques.
Références scientifiques
Smith, E. N., Progressive Autism Research Consortium (ACRC), Progressive Autism Research Consortium (ACRC), Progressive Autism Research Consortium (ACRC), Progressive Autism Research Consortium (ACRC), Progressive Autism Research Consortium (ACRC),… & Progressive Autism Research Consortium (ACRC). (2016). Augmentation de l'épaisseur corticale frontale et temporale chez les hommes atteints de troubles du spectre autistique.Recherche sur l'autisme, 9(9), 967-977.